Interview d'Alice Pellet-Mary

Quel est ton domaine de recherche ?

Je travaille sur la cryptographie à base de réseaux euclidiens. L'objectif est de trouver des problèmes algorithmiques alternatifs à la factorisation (et au logarithme discret) qui sont aussi des "problèmes difficiles" à résoudre et peuvent être utilisés pour créer des protocoles cryptographiques. Parmi ces problèmes alternatifs, on trouve le problème du plus court vecteur dans un réseau euclidien. Comme son nom l'indique, ce problème consiste, étant donné une base d'un réseau euclidien, à trouver un vecteur non nul de norme euclidienne minimale dans le réseau. Les meilleurs algorithmes connus pour résoudre ce problème ont une complexité qui augmente exponentiellement en la dimension du réseau, ce qui en fait un "problème difficile" qui peut être utilisé en cryptographie.

Le problème du plus court vecteur dans un réseau euclidien se décline en de nombreuses variantes, qui sont obtenues en rajoutant de la structure au réseau euclidien (ce qui est utile pour accélérer les protocoles cryptographiques). Mon travail de recherche consiste à étudier ces différentes variantes (ainsi que d'autres problèmes algorithmiques sur les réseaux) pour essayer de les classifier : je cherche par exemple à prouver l'équivalence de certains problèmes, ou alors j'essaye de développer des algorithmes qui résolvent certaines variantes. L'objectif étant de déterminer pour ces problèmes s'ils peuvent être utilisés comme "problèmes difficiles" en cryptographie ou non.

Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?

J'ai effectué ma thèse à l'ENS de Lyon de 2016 à 2019, sous la direction de Damien Stehlé. Pendant ma thèse, j'ai travaillé sur des questions algorithmiques liées aux problèmes de réseaux euclidiens, mais également à la cryptanalyse de certaines constructions cryptographiques. Entre 2019 et 2020, j'ai fait un post-doctorat à Leuven (Louvain), en Belgique flamande.

Qu'est-ce qui t’a amenée à faire des mathématiques ?

J'ai toujours voulu faire des maths. Jusqu'au lycée, j'avais du mal à imaginer ce que pouvait bien faire un chercheur en maths (un chercheur pour moi ça avait une blouse et des éprouvettes) et je me voyais plutôt prof de maths. Finalement, l'envie de faire de la recherche en maths s'est imposée petit à petit au lycée (probablement aussi parce que j'étais bien placée pour voir que la vie de prof de maths en lycée n'était pas facile tous les jours). L'envie plus précise de faire de la cryptographie est arrivée en terminale, grâce à un exercice où nous devions casser le code secret utilisé par Alice et Bob et retrouver le contenu de leurs messages. J'avais beaucoup aimé cassé ce code secret, et ça m'amuse encore aujourd'hui dans ma recherche.