Interview de Siarhei Finski, chargé de recherche au CNRS

Portraits

Interview de Siarhei Finski, recruté en 2021 comme chargé de recherche au CNRS et affecté au Centre de mathématiques Laurent Schwartz (CNRS/École Polytechnique).

Quel est ton sujet de recherche ?

Ma recherche concerne principalement l’analyse globale des variétés différentielles. Comme la géométrie locale de ces espaces coïncide avec la géométrie d’un espace vectoriel, on s’intéresse d’habitude aux invariants globaux. Il s’avère que certains de ces invariants peuvent s’exprimer en termes de quantités locales. Par exemple, le théorème de Gauss-Bonnet exprime le nombre de trous dans une surface compacte en termes de l’intégrale de la courbure, qui est une quantité locale. Des phénomènes similaires sont centraux dans ma recherche. Je les ai étudiés dans des contextes divers : en géométrie algébrique, en physique mathématique, en théorie des probabilités, et je les étudie actuellement dans le contexte de la géométrie projective. Il s'avère que pour n’importe quelle variété projective, il existe une certaine suite de plongements (qu’on appelle plongements de Kodaira) de cette variété dans les espaces projectifs qui admet, malgré l’aspect global de plongements, un phénomène de localisation lorsque la dimension de l’espace projectif tend vers l’infini. Vu que la géométrie de l’espace projectif est bien étudiée, cela permet de tirer certaines conséquences à propos des objets canoniques sur la variété.

Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?

J’ai fait ma licence à l’Université d'État de Biélorussie. J’ai ensuite intégré l’École Normale Supérieure à l’aide du programme “Sélection internationale". Comme j’étais intéressé par la théorème de l'indice d'Atiyah-Singer, un professeur de l’ENS m’avait recommandé de contacter un professeur de Paris Diderot, Xiaonan Ma, qui est ensuite devenu mon directeur de thèse pendant trois fructueuses années. Puis j’ai fait deux merveilleuses années de post-doctorat avec Jean-Pierre Demailly à l’Université de Grenoble.

Qu’est-ce qui t’a amené à faire des mathématiques?

J’ai été poussé vers les mathématiques d’abord par mon enthousiasme pour l’informatique et à cause de ma participation aux Olympiades de mathématiques qui sont assez populaires dans mon pays d’origine, la Biélorussie. Au moment d’entrer à l’École Normale Supérieure, j’étais toujours incertain sur ce que je voulais faire : de l’informatique ou des mathématiques. Le moment décisif a été en première année de l’ENS quand j’ai découvert la vraie beauté des mathématiques fondamentales.

Pourrais-tu nous parler de mathématiciens ou de mathématiciennes, historiques ou contemporains, qui t’ont marqué, influencé, ou que tu admires tout particulièrement ?

Mon directeur de thèse, Xiaonan Ma, m’avait appris beaucoup sur le choix de problèmes de recherche, sur la partition d'un problème en petit morceaux et l'importance de la compréhension complète des travaux antécédents.
 
Pendant mes études à l’ENS et ma thèse j’ai suivi plusieurs cours de Jean-Michel Bismut à l’Institut de Mathématiques d’Orsay sur ses thèmes de recherche : théorie de l’indice local, les déformations de Witten en relation avec la torsion analytique et Reidemeister, le Laplacien hypoelliptique. La thématique et l’organisation de ses cours, le façon dont il a motivé et présenté ses travaux ont beaucoup influencé la manière dont je mène ma recherche. Le groupe de travail sur les opérateurs de Dirac, organisé par J.-M. Bismut, a eu aussi un impact très important sur moi.
 
Pendant mon post-doc à Grenoble, ma façon de faire des mathématiques a évolué beaucoup sous l'influence de Jean-Pierre Demailly. J’ai appris aussi par son exemple comment établir un dialogue entre le professeur et un étudiant de thèse ou en post-doc. Hors de la recherche, les discussions avec lui à propos de l'énergie nucléaire, l'enseignement scolaire, l’organisation et la publication en science et la place d'un scientifique dans le monde actuel m'ont fait réfléchir à des questions que je ne m'étais pas posées auparavant.

Qu’attends-tu du métier de mathématicien ?

J’espère avoir la possibilité de travailler sur les sujets de recherche de mon choix, de découvrir les travaux de mes collègues et de discuter des derniers développements lors des conférences.

Pourquoi le CNRS ?

Pour la liberté que CNRS laisse à ses agents au niveau de gestion du temps et du choix de laboratoire.

Contact

Siarhei Finski est chargé de recherche au CNRS, membre du Centre de mathématiques Laurent Schwartz (UMR7640 - CNRS/École Polytechnique).

© Siarhei FINSKI/DR