Intégrer les enjeux environnementaux dans les pratiques de recherche en mathématiques
Dans le cadre des réflexions menées par le CNRS pour limiter l’impact environnemental des pratiques de recherche, l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (Insmi) a réalisé le rapport « Recommandations sur l’impact environnemental de nos pratiques de recherche » présentant des recommandations pour toutes ses unités de recherche.
Un nombre croissant de scientifiques et d’agents du service public se demande comment articuler la réduction de l’empreinte écologique et la protection de l’environnement avec les spécificités de la production de connaissances.
Un enjeu de solidarité
Les rapports du GIEC1 et de l’IPBES2 mettent en exergue le besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), principal catalyseur du bouleversement climatique. Les accords de Paris3 de 2015 visent la neutralité carbone en 2050. Ils ont pour objectif de diminuer les émissions de GES de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990. La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC)4 indique que l'empreinte carbone de chacune et chacun devra passer de 11,2 tonnes équivalent CO2 par an en 2018 à 2 tCO2e à terme5. D’après le premier bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BGES) du CNRS, publié en novembre 2022 et portant sur l’année 2019, le niveau moyen d'émissions annuelles est de 14 tonnes équivalent CO2 par agent. Les mathématiques ne constituent pas le domaine scientifique le plus émetteur6. Par solidarité envers les autres communautés scientifiques, les efforts de la communauté mathématique peuvent aussi contribuer à alléger les contraintes portant sur d'autres disciplines dont le cœur de l'activité scientifique nécessite une plus grande empreinte carbone.
Un enjeu d’exemplarité
Depuis novembre 2022, le CNRS s’est engagé à travers un plan de transition bas carbone7 comportant quatre axes thématiques : les achats, le numérique, la mobilité et l’énergie. Le rapport de l’Insmi fait suite aux conseils formulés dans le rapport de prospective du Conseil scientifique de l’Insmi et aux travaux du Comité « développement durable »8 et du Comité d’éthique (COMETS)9 du CNRS. L’exemplarité, en tant que scientifiques et agents du service public, nécessite des actions volontaires et ambitieuses pour limiter la contribution positive au bilan des émissions de GES tout en veillant à préserver la qualité de la production scientifique des unités.
Recommandations individuelles sur les pratiques de recherche « au quotidien »
Les propositions du rapport concernent essentiellement les achats, l'utilisation de matériel informatique et les missions et déplacements. Elles ne sont pas exhaustives et sont individuelles.
Le document ne mentionne pas les contributions positives à la lutte contre le bouleversement climatique que peuvent permettre les mathématiques, ni les changements structurels et systémiques nécessaires, ni les points concernant l'alimentation, l'isolation des bâtiments et le déplacement domicile-travail.
Ce document vise à ouvrir un débat sur ces sujets, en effet il ne peut être question de décliner ces recommandations localement sans un dialogue ouvert impliquant l’ensemble des personnels. Il est recommandé que ce débat soit autant que possible équipé d’outils et de méthodologies. La mesure des impacts et la constitution de connaissances relatives à ces impacts sont essentielles à une discussion éclairée et à l’identification d’indicateurs et de leviers d’action.
Dans un premier temps, l’Insmi encourage les laboratoires à réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BGES) régulier. Il encourage aussi les laboratoires à aborder ces recommandations et leur implémentation locale lors d'une assemblée générale et à se doter de référentes et référents « développement durable ».
- Achats et utilisation du numérique
L’institut encourage prioritairement les laboratoires à questionner leurs achats. En effet, l'essentiel de l'empreinte est réalisé lors de l'achat. Il recommande de limiter les achats, les rationnaliser et repenser les usages. Il encourage notamment les unités à calculer l’empreinte carbone de leur parc informatique.
- Missions et déplacements
L’Insmi recommande d’intégrer pleinement l'impact environnemental des déplacements dans le processus décisionnel en l'alignant judicieusement sur l'importance scientifique de la mission. Il recommande également de limiter de 20% les déplacements professionnels et autant que possible la fréquence des voyages en avion.
Découvrez le détail du rapport « Recommandations sur l’impact environnemental de nos pratiques de recherche ». Il s’agit d’une première étape pour intégrer les enjeux environnementaux dans les pratiques de recherche en mathématiques et ouvrir le débat.
Sources
1 https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/
3 https://fr.wikisource.org/wiki/Accord_de_Paris_sur_le_climat
4 https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
5 Ce chiffre (mentionné dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), dans un rapport du Haut Conseil pour le Climat) est à vocation illustrative. Il permet de donner une idée de l’ordre de grandeur de la réduction de l’empreinte à apporter.
6 Voir par exemple le BGES 2022 de l’Institut de Mathématiques de Bordeaux, l’empreinte par personne étant de l’ordre de 2 tonnes eq CO2/an (néanmoins l’impact des calculs n’est pas pris en compte).
7 https://www.cnrs.fr/fr/actualite/transition-bas-carbone-un-plan-ambitieux-pour-le-cnrs
8 Le Comité « développement durable » du CNRS est une structure transverse composée de représentants des directions fonctionnelles, des délégations régionales, des instituts, de la Cellule « développement durable » du CNRS et de la référente nationale. Il est présidé par Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS.