Coopération CNRS-Afrique : lancement d’un nouveau Joint Research Programme en mathématiques

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Dans le cadre de son Plan pluriannuel de collaborations avec l’Afrique lancé en 2022, le CNRS poursuit son engagement avec le continent africain en soutenant des projets co-construits visant à renforcer les coopérations scientifiques. Cette année, huit nouveaux projets innovants couvrant un large éventail de disciplines, co-portés avec des institutions de 8 pays africains, ont été sélectionnés. Parmi eux, le projet de mathématiques FANE-MATH-PE, porté par la chercheuse Sophie Dabo

Une coopération scientifique durable mise en place avec l’Afrique

Le Plan pluriannuel de collaborations entre le CNRS et l’Afrique, lancé en 2022, vise à instaurer des partenariats scientifiques fondés sur la co-construction, l’équité et l’inscription des coopérations sur le temps long. Il s’appuie pour cela sur trois dispositifs de financement, conçus spécifiquement pour accompagner la mise en œuvre du plan à différents niveaux d’ambition : les Programmes de Recherche Conjoints/Joint Research Programmes (JRP), les Écoles de Recherche Résidentielles/Residential Research Schools (RSS) et les Bourses de mobilité/Visiting Fellowships (VF).

Les Joint Research Programmes (JRP) sont des programmes de recherche aux thématiques variées financés sur quatre ans, qui permettent de structurer des collaborations existantes et de répondre aux enjeux de formation. Lors de la première sélection de projets, la « Chaire CNRS-AIMS de mathématiques », portée par Ludovic Rifford, avait permis de concrétiser des années de collaboration entre la France et le continent africain. Un nouveau projet de mathématiques a été sélectionné cette année :  FANE-MATH-PE.

Un projet pluridisciplinaire pour relever les défis du changement climatique

Fortement axé sur l’interdisciplinarité, le projet FANE-MATH-PE rassemble des spécialistes des mathématiques appliquées, de la physique, de l’écologie, de la biologie et de la biotechnologie dans l’objectif de développer des modèles mathématiques et numériques capables d’aborder des problématiques complexes et aussi diverses que le changement climatique, la gestion des ressources océaniques ou encore la prévention et le contrôle des épidémies et des cancers. Ce projet en réseau, piloté par Sophie Dabo, enseignante chercheuse au laboratoire Paul Painlevé1  et le professeur Patrick Tchepmo Djomegni (North-West University, Afrique du Sud), réunit des scientifiques d’institutions européennes, africaines et américaines de premier plan, ouvrant ainsi la voie à la création d’un réseau durable de recherche entre la France, le continent africain et le reste du monde.

  • 1CNRS/Université de Lille/Inria

Biographie de Sophie Dabo

Sophie Dabo-Niang est professeure de mathématiques appliquées à l'Université de Lille depuis 2010 et chercheuse au centre Inria de Lille. Ses recherches se concentrent sur la représentation du temps et de l'espace dans des environnements aléatoires, inspirées par des problématiques réelles dans divers domaines tels que la biologie, l'économie, l'épidémiologie, la physique, et les études environnementales.

Sophie Dabo-Niang est l'autrice de plus de 80 articles scientifiques et de 2 ouvrages, et elle a supervisé 16 thèses de doctorat. Actuellement, elle dirige l'équipe de mathématiques à l'institut Oncolille. Engagée dans la promotion des mathématiques et l'inclusion des femmes, elle a présidé le Comité des Pays en Développement de l’European Mathematical Society) entre 2019 et 2022 et a récemment été élue au Governing Board du CIMPA). Elle est également membre du comité pour la diversité de l'Union Mathématique Internationale.

Rencontre avec Sophie-Dabo

Pourquoi avoir décidé de présenter un projet ? Qu’est-ce qui vous a motivée ?

Ma motivation principale est de vouloir renforcer des collaborations scientifiques et académiques avec les pays en développement, en particulier avec l'Afrique. Ces collaborations permettent non seulement de partager des connaissances et des compétences, mais aussi de contribuer au développement de solutions innovantes aux défis spécifiques que rencontrent ces régions. En travaillant main dans la main avec des chercheuses et chercheurs et des institutions africaines, je souhaite promouvoir une recherche inclusive et durable, tout en facilitant l'émergence de talents scientifiques africains et la création de réseaux internationaux qui renforceront l'impact global des projets de recherche. Ce partenariat mutuellement bénéfique vise à favoriser la co-construction de connaissances tout en respectant les spécificités locales et en répondant aux besoins des sociétés concernées.

Aviez-vous déjà des collaborations en cours avec la communauté mathématique en Afrique ?

J’ai diverses collaborations avec la communauté africaine. En 2005, j'ai commencé à effectuer des visites annuelles au Sénégal pour l'enseignement et la collaboration en recherche, qui se sont ensuite étendues à d'autres pays africains. J'ai rejoint diverses sociétés et associations nationales et internationales telles que le CIMPA, l’European Mathematical Society, l'International Mathematical Union, l'African Women in Mathematics et Femmes et Mathématiques.

J'ai adhéré au CIMPA en tant que membre individuel en 2017 après avoir co-organisé une école CIMPA. J'ai été officier scientifique du CIMPA de 2018 à 2023. Au cours des 20 dernières années, j'ai combiné enseignement, recherche scientifique et responsabilités administratives aux niveaux national et international. J'ai présidé l'EMS-CDC de 2019 à 2022, après l'avoir co-présidé en 2018. 

J'ai été impliquée dans une large gamme d'activités liées au développement de l'enseignement, de la recherche et de la coopération internationale au sein de l'Université de Lille 3, aujourd'hui Université de Lille, ainsi qu'avec des universités et des sociétés savantes africaines, françaises et internationales, notamment dans les pays en développement. J'ai ensuite établi de nombreux projets de coopération en formation et en recherche entre plusieurs pays, tels que des projets de coopération franco-marocaine en économie environnementale durable et des projets de coopération franco-sénégalaise en science des données et ressources halieutiques.

J'ai enseigné et encadré de nombreuses étudiantes et étudiants en master et 12 doctorantes et doctorants originaires d’Afrique et mis en place un programme de double diplôme, le premier double master en science des données entre les universités de Dakar et de Lille, de 2017 à aujourd'hui. En 2010, j'ai introduit les thèmes de recherche en science des données spatiales à grande échelle "Statistiques Spatio-Fonctionnelles" en Afrique de l'Ouest et en Afrique du Nord à travers des thèses de doctorat, des cours de formation et des écoles de recherche. J'ai dirigé plusieurs événements scientifiques mathématiques à travers le monde, en particulier dans les pays en développement.

Mon engagement profond pour la promotion des mathématiques et le soutien aux femmes en mathématiques se manifeste à travers des initiatives comme les journées "Filles et Sciences" au Sénégal et la création de l'Association Sénégalaise des Femmes Mathématiciennes (SWMA) avec des collègues. Je suis actuellement trésorière de l'African Women in Mathematics et Femmes et Maths

Pouvez-vous nous parler du projet FANE-MATH-PE ? 

FANE-MATH-PE vise à développer des modèles mathématiques, numériques et d'intelligence artificielle avancés pour relever des défis mondiaux tels que le changement climatique, la gestion des ressources océaniques, ainsi que la prévention et le contrôle des maladies respiratoires, les des épidémies et des cancers. L'initiative cherche à créer un réseau multidisciplinaire et durable de chercheuses et chercheurs provenant de divers domaines, impliquant des institutions clés en France, en Afrique et à travers le monde.

Quest-ce que ce financement va vous permettre de faire ?

Le financement du projet va permettre de mettre en place des actions concrètes pour renforcer les collaborations avec l’Afrique. Cela inclut l'organisation d’événements scientifiques, la mobilité des chercheuses et chercheurs et doctorants entre les institutions partenaires, ainsi que la formation doctorale. Ce soutien financier est important pour créer des opportunités dapprentissage et de recherche pour les jeunes scientifiques africaines et africains, tout en leur offrant un cadre de collaboration avec des expertes et experts internationaux. L’inclusion des femmes est un point essentiel du projet.

Que voulez-vous accomplir avec ce projet ? 

Avec le projet, nous souhaitons atteindre plusieurs objectifs :  

  1. Renforcer des compétences locales : Former une nouvelle génération de chercheuses, chercheurs, enseignantes chercheuses et enseignants chercheurs africains dans des domaines stratégiques en mathématiques appliquées
  2. Développer de la recherche collaborative : Encourager la recherche collaborative entre la France, le continent africain et d'autres régions, en particulier sur des thématiques liées aux problématiques locales (changement climatique, gestion des ressources naturelles, etc.).
  3. Créer un réseau durable : Établir un réseau d’échange pérenne entre universités africaines, françaises et internationales, favorisant lexcellence scientifique et le partage de connaissances.
  4. Renforcer l’inclusion des femmes en mathématiques : nous mettrons en place des initiatives qui visent à combattre les inégalités de genre, comme des programmes spécifiques de bourses, des ateliers de leadership pour femmes, ou des réseaux de chercheuses. Le but ultime est de créer un environnement où les compétences des femmes sont pleinement reconnues et valorisées, et où elles peuvent contribuer, sur un pied d'égalité, aux grands défis scientifiques mondiaux. Dans ce cadre nous avons publiés récemment les articles Aspects of the gender gap in mathematics et An analysis of the gender gap among African scientists et mis en place une page web.

Dans un avenir proche, les porteuses et porteurs du projet envisagent différentes actions pour consolider ces relations avec l’Afrique. En 2025, plusieurs événements majeurs auront lieu en Afrique du Sud, au Canada ou encore au Ghana, l’idée étant d’organiser un workshop pour les mathématiciennes africaines en collaboration avec diverses associations françaises, africaines et mondiales de femmes mathématiciennes. Un autre axe envisagé est le financement des participations de jeunes Africaines et Africains à des conférences internationales. Des projets de thèses et de post-doctorats sont amenés à débuter sous peu. Enfin, les porteuses et porteurs de FANE-MATh-PE espèrent lancer un programme d’échanges pour permettre aux étudiantes, étudiants, chercheuses et chercheurs africains de venir travailler dans des laboratoires partenaires à l’international, et vice versa. Deux projets de start-ups sont également en cours, l’un en collaboration avec Inria, via le programme Start-up Studio, pour la surveillance de la qualité de l’Air en Afrique et l’autre, sur la prévention et dépistage de cancers.