Charlotte Tonnelier, doctorante de mathématiques en interaction

 

Cette année, le Programme de recherche Mathématiques en interaction (PEPR Maths-Vives) a lancé un premier appel à projets à court terme pour des financements de contrats doctoraux de 36 mois. Deux postes de doctorats dans le périmètre scientifique du programme ont été ouverts à la rentrée 2024 : félicitations à la lauréate Charlotte Tonnelier et au lauréat Gregorio Rebecchi

Le contrat doctoral de Charlotte Tonnelier porte sur la modélisation multi-échelle du transport d'ions d'un nano-canal à un autre à travers une nanofente sélective en ions. Ce sujet de recherche vise à faire dialoguer les mathématiques avec la physique. Retrouvez son interview ainsi que celles des scientifiques l'encadrant. 

 

Charlotte Tonnelier

  • Doctorat au sein du Laboratoire de mathématiques (LAMA), UMR 5127, CNRS, Université Savoie Mont-Blanc
  • Axe Environnement
  • Mathématiques ∩ Physique
  • Domaine de recherche : « Modèles moyennés pour Poisson-Nernst-Planck et récupération d’énergie des gradients salins par échangeur nano-fluidique. »
Le sujet a un grand enjeu environnemental puisqu’il vise à améliorer/développer la récupération d’énergie osmotique, qui serait alors une source d’énergie renouvelable.
Charlotte Tonnelier, doctorante

■ Interview de Charlotte Tonnelier ▾

  • Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? 

Je m’appelle Charlotte Tonnelier, et je démarre un doctorat en mathématiques au sein du Laboratoire de Mathématiques de l’Université Savoie Mont Blanc (LAMA). À la suite de deux années de classe préparatoire MPSI/MP, j’ai intégré le Magistère de Mathématiques de Strasbourg dans le but de m’orienter vers l’enseignement et la recherche. Après avoir passé l’agrégation de mathématiques en 2023, j’ai intégré le Master de Mathématiques Avancées de l’ENS de Lyon dans le parcours Équations aux Dérivées Partielles afin de connaître mes premières expériences de recherche, notamment grâce au stage de 4 mois de fin de master. 

 

  • Quel est le domaine de recherche du contrat doctoral ? 

Il s’agit d’une thèse de mathématiques appliquées portant sur un sujet interdisciplinaire avec une composante mathématique et une composante physique. Le sujet a un grand enjeu environnemental puisqu’il vise à améliorer/développer la récupération d’énergie osmotique, qui serait alors une source d’énergie renouvelable. 

 

  • Qu’est-ce qui vous a amené à faire des mathématiques en interaction ? Y’a-t-il eu des rencontres décisives dans votre parcours professionnel, ou bien des résultats qui ont profondément marqué votre relation aux mathématiques en interaction ? 

Dès mes années de classe préparatoire, j’ai toujours vu les mathématiques à la fois comme une science à part entière mais aussi comme un outil pour d’autres disciplines, notamment la physique. Faire des mathématiques en interaction est pour moi une manière de mettre mes études et mes connaissances en mathématiques au service d’enjeux de grande ampleur, notamment sociétaux comme c’est le cas pour l’environnement dans mon sujet de thèse. Lors de mon année de M1 à Strasbourg, j’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage à l’Observatoire Astronomique de Strasbourg afin de découvrir un peu plus le domaine des mathématiques appliquées. Le fait de confronter des phénomènes physiques observables avec des modèles et résultats mathématiques théoriques m’a plu et j’ai depuis eu à cœur de conserver ces deux aspects dans la suite de mon projet scolaire et professionnel. 

 

  • Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à des candidates et candidats pour des contrats doctoraux ? 

Je pense qu’il est important d’être véritablement intéressé par son projet de thèse, et que le sujet de thèse en lui-même représente quelque chose de particulier pour celui ou celle qui candidate afin de pouvoir défendre au mieux son projet. Je dirais aussi qu’il faut être patient et maximiser ses chances en s’adressant à différents types de financement, car la procédure pour obtenir un contrat doctoral peut être longue et stressante. 

La collaboration avec les mathématiques est indispensable pour pouvoir modéliser les échanges nanofluidiques et proposer des avancées pour améliorer la puissance délivrée par les dispositifs, qui est aujourd’hui le facteur limitant pour que cette source d’énergie soit économiquement viable.
Elisabeth Charlaix, (Physique)

■ Interview d'Elisabeth Charlaix ▾

  • Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? 

Elisabeth Charlaix, professeure émérite en physique à l’UGA, membre du laboratoire interdisciplinaire de physique (LiPhy). 

 

  • Quel est votre domaine de recherche?

Mon domaine de recherche est la physique des liquides et plus particulièrement des liquides confinés et aux interfaces : interactions avec les surfaces, nanohydrodynamique et nanofluidique, effets de transition de phase induite par le confinement ; ainsi que les conséquences de ces phénomènes à l’échelle macroscopique. 

 

  • Qu’est-ce qui vous a amené à encadrer un sujet de recherche de mathématiques en interaction ? Y’a-t-il eu des rencontres décisives dans votre parcours professionnel, ou bien des résultats qui ont profondément marqué votre relation aux mathématiques en interaction ? 

Je me suis intéressée à la récupération d’énergie des gradients salins, qui met en jeu des électrolytes confinés dans les nanopores de membranes sélectives. Le domaine des électrolytes confinés est complexe mathématiquement du fait des non-linéarités dans les équations de transport électro-hydrodynamiques. La rencontre de Didier Bresch a été déterminante. La collaboration avec les mathématiques est indispensable pour pouvoir modéliser les échanges nanofluidiques et proposer des avancées pour améliorer la puissance délivrée par les dispositifs, qui est aujourd’hui le facteur limitant pour que cette source d’énergie soit économiquement viable. 

 

  • En quoi le contrat doctoral est-il innovant ? 

Le contrat doctoral porte sur la modélisation multi-échelle du transport d'ions d'un nano-canal à un autre à travers une nanofente sélective en ions. Le cadre semble simple, mais soulève de nombreuses difficultés dues au couplage complexe entre les différents modes de transport (diffusion, migration électrique, convection) et aux différentes longueurs qui régissent ces phénomènes. La résolution de ce problème de transport couplé est cruciale dans divers domaines, et permet d'explorer de nouvelles voies pour le traitement de l'eau, les sciences analytiques ou la récupération d'énergie osmotique. 

 

  • Quel est l’impact environnement et/ou sociétal espéré avec ce sujet de recherche ? 

Dans les technologies à base de membranes des pertes géantes se produisent dans les couches limites à l’interface entre les membranes et les réservoirs qui les alimentent. Ce projet est susceptible d’avoir un grand impact environnemental en proposant de nouvelles voies qui améliorent les procédés de récupération ou d’utilisation de l’énergie des gradients salins et les rendent économiquement viables, ainsi que plus généralement pour la désalinisation et le traitement de l’eau. 

 

  • Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à des candidates et candidats pour des contrats doctoraux ? 

Trouver un sujet qui les passionne.

Nous sommes tous les deux convaincus depuis longtemps que les mathématiques ont leur rôle à jouer sur des sujets complexes notamment environnementaux.
Maria Kazakova & Didier Bresch, (Mathématiques)

■ Interview de Maria Kazakova et Didier Bresch ▾

  • Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? 

Didier Bresch, directeur de recherche CNRS et Maria Kazakova, maitresse de conférences, tous les deux membres du Laboratoire de Mathématiques (LAMA USMB).

 

  • Quel est sont vos domaines de recherche? 

Nos domaines de recherche en mathématiques sont assez complémentaires tournés principalement autour des Equations aux Dérivées Partielles en direction de la mécanique des fluides. A nous deux nous couvrons un spectre large de la modélisation à l’analyse numérique en passant par les aspects théoriques. 

 

  • Qu’est-ce qui vous a amené à encadrer un sujet de recherche de mathématiques en interaction ? Y’a-t-il eu des rencontres décisives dans votre parcours professionnel, ou bien des résultats qui ont profondément marqué votre relation aux mathématiques en interaction ? 

Nous sommes tous les deux convaincus depuis longtemps que les mathématiques ont leur rôle à jouer sur des sujets complexes notamment environnementaux. Chacun d’entre nous développe déjà des collaborations sur des sujets en interaction liés aux écoulements à surface libre ou multi-phasiques. 

Didier Bresch : Dès ma thèse, j’ai été sensibilisé aux mathématiques en interaction par mon directeur de thèse Jacques Simon (DR CNRS) que j’ai effectué au Laboratoire de Mathématiques Blaise Pascal (LMBP) qui pourtant pourrait être qualifié de chercheur en EDP théoriques et par Bernard Saramito (PR) qui partageait le même bureau que mon directeur de thèse et qui avait plusieurs contrats avec le CEA autour des plasmas. Ces deux personnes m’ont énormément marqué. 

Maria Kazakova : J'ai effectué mes études à Novossibirsk et j'ai commencé mes premiers travaux de recherche au Laboratoire des Équations Différentielle de Lavrentyev Institute of Hydrodynamics, qui peut être vu comme l’un des plus grands laboratoires mondiaux de mathématiques appliquées à la mécanique des fluides. Depuis cette époque, je suis motivée par le fait que les mathématiques peuvent avoir un impact sur les applications, car c'est l'une des principales vocations du Laboratoire des équations différentielles, qui est un groupe théorique de l'ensemble de l'Institut. En outre, mes rencontres avec S. Gavryliuk, P. Noble et G. Richard ont été aussi prépondérantes dans l’orientation de ma recherche en direction des applications. La rencontre d'Elisabeth Charlaix a été déterminante dans la rédaction de projet de thèse car nous avons vu l’opportunité de bénéficier d’une expertise énorme en physique sur un sujet à gros enjeu environnemental : voir des enseignantes chercheuses et des enseignants chercheurs internationalement reconnus comme Elisabeth Charlaix, Lydéric Bocquet et leurs collaboratrices et collaborateurs notamment du LIPHY (Cyril Picard, Benjamin Cross, Romain Lhermerout par exemple) travailler avec intérêt sur ce sujet nous motive fortement. 

 

  • En quoi le contrat doctoral est-il innovant ? 

Le contrat doctoral porte sur la modélisation multi-échelle du transport d'ions d'un nano-canal à un autre à travers une nano-fente sélective en ions. Ce sujet à caractère multi-échelles n’a à notre connaissance jamais été couvert par les mathématiques mais le terrain n’est pour autant pas vierge car il fait écho aux systèmes de type Poisson-Nernst-Planck qui eux ont été étudiés mathématiquement dans leurs versions continues ou discrètes. 

 

  • Quel est l’impact environnement et/ou sociétal espéré avec ce sujet de recherche ? 

Nous renvoyons le lecteur à la réponse d’Elisabeth Charlaix car nous ne ferions que la plagier en répondant à cette question. Il est facile par contre de se convaincre par exemple en écoutant l’exposé d’Elisabeth Charlaix au collège de France et le cours de Lydéric Bocquet dans le cadre de la chaire du collège de France du spectre énorme d’applications couvertes par ce sujet et donc de l’impact environnemental/sociétal du sujet. 

 

  • Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à des candidates et candidats pour des contrats doctoraux ? 

Il est important que candidates et candidats se projettent dans le sujet choisi pour leur thèse. Avoir envie de participer à l’émergence de nouveaux concepts mathématiques au travers d’interactions innovantes est primordial pour espérer des bonds technologiques à moyen et long terme et pour enrichir les mathématiques par voie de fait. 

Crédits

  • Vue aérienne de l'océan, © Pat Whelen (@patwhelen) Unplash