ICM2022 : Interview de Sylvie Méléard, conférencière invitée
Interview de Sylvie Méléard, professeure à l'École Polytechnique, membre du CMAP, membre senior de l’IUF, conférencière invitée à l'ICM 2022 dans la section 18, Équations déterministes et stochastiques pour la modélisation.
Quel est votre domaine de recherche ?
Je suis probabiliste de formation, mais j’ai beaucoup travaillé à l’interface des processus stochastiques et des équations aux dérivées partielles. Depuis une vingtaine d’années, je me suis de plus en plus intéressée à développer de tels outils pour modéliser et quantifier les phénomènes biologiques de l’évolution, d’abord de manière théorique, puis dans des projets de plus en plus appliqués. Ce qui m’intéresse est la prise en compte des différentes échelles qui caractérisent les paramètres intervenant dans la modélisation de certains phénomènes biologiques et la manière dont ces échelles impactent le comportement du système. Mon approche consiste à décrire la dynamique individuelle des individus par un processus stochastique, en tenant compte des interactions entre les individus. Elle est particulièrement adaptée aux nouvelles techniques de mesures des biologistes (Single cell microscope, Mother Machine, Microfluidics), qui permettent de mesurer des comportements individuels bactériens par exemple. Les phénomènes biologiques sont tellement riches que chaque nouvelle question fait émerger des analyses mathématiques passionnantes et de nouveaux théorèmes. Cette forme de recherche nécessite un aller-retour régulier avec les biologistes ou les médecins, pour modéliser au mieux les questions biologiques, mais aussi pour les guider vers de nouvelles expériences qui pourront nous aider améliorer nos modèles ou à les valider.
Qu’est-ce qui vous a amenée à faire des mathématiques ?
C’est une histoire très ancienne, une décision que j’ai prise très jeune, même si à 20 ans j’ai hésité à partir vers le stylisme.
Comment décririez-vous votre métier ?
Une passion. Mon métier, c’est développer des mathématiques, avec les pointes d’excitation quand les questions qui nous obsèdent trouvent enfin une réponse, mais aussi interagir sur des questions fondamentales de biologie ou de médecine, former des jeunes, créer des projets fédérateurs, transmettre une manière de faire des mathématiques heureuses.
Y a-t-il des lieux ou des rencontres qui ont été décisifs dans votre carrière ?
La rencontre avec Régis Ferrière en 2001 avec l’encadrement conjoint de la thèse de Nicolas Champagnat a été un tournant fondamental dans mes thèmes de prédilection avec la découverte de la biologie éco-évolutive et ses conjectures. Cela a été un grand bonheur de voir que le point de vue des systèmes particulaires que j’avais développés dans un autre cadre a permis de construire une approche stochastique efficace dans la résolution de certaines de ces conjectures.
L’arrivée à l’École polytechnique, au CMAP, un laboratoire de mathématiques appliquées avec beaucoup de projets et contrats avec les entreprises et des sujets très appliqués, m’a ouvert des horizons et permis de développer mes recherches dans un cadre interdisciplinaire. Cela m’a aussi donné le cadre pour monter la chaire de Modélisation mathématique et biodiversité, réseau scientifique qui regroupe maintenant une centaine de membres, entre mathématiciens & mathématiciennes et biologistes.
La rencontre avec Stéphane Giraudier, oncologue à l’Hôpital Saint-Louis, a été une nouvelle étape, m’entraînant définitivement vers des applications de plus en plus concrètes, liées au développement des leucémies.
Qu’aimez-vous dans le métier de mathématicienne ?
Le fait de faire exactement ce qu’on aime. La liberté dans le choix des sujets sur lesquels on travaille. Les moments excitants où l’on a vraiment compris quelque chose.
Quelle place donnez-vous à la diffusion des mathématiques dans votre activité ?
Une place importante. Les gens n’ont pas l’habitude d’associer mathématiques et écologie ou biodiversité et c’est important de leur expliquer comment les mathématiques peuvent intervenir.
Que diriez-vous à des jeunes qui voudraient embrasser une carrière scientifique ?
Foncez. Suivez vos passions.
Savez-vous déjà de quoi vous allez parler à l'ICM de St Pétersbourg ?
J’essaierai de mettre en évidence la richesse des systèmes stochastiques multi-échelles et individu-centrés issus de certaines questions biologiques.
Qu’est-ce que ce congrès représente pour vous ?
La reconnaissance, par la communauté mathématique, de thématiques qui me passionnent.
Contact
Sylvie Méléard est professeure à l'École polytechnique, membre du Centre de mathématiques appliquées (UMR7641, CNRS & École polytechnique), membre senior de l’IUF.
Orateurs et oratrices à l'ICM 2022
Liste des collègues orateurs et oratrices de l’ICM 2022, qui se tiendra du 6 au 14 juillet en ligne.