Interview d’Antonin Chambolle, conférencier invité à l’ICIAM 2023
Tous les quatre ans, l'International Council for Industrial and Applied Mathematics organise le Congrès international de mathématiques industrielles et appliquées (ICIAM) dans le domaine des mathématiques appliquées. Antonin Chambolle, chercheur en calcul des variations et optimisation et directeur de recherche CNRS au Centre de Recherche en Mathématiques de la Décision (CNRS, Université Paris-Dauphine – PSL ), interviendra lors de l’édition 2023 qui se déroulera du 20 au 25 août à Tokyo. Découvrez son interview.
Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis directeur de recherches CNRS, au CEREMADE à Paris-Dauphine. J'y ai effectué ma thèse il y a très longtemps sous la direction de Jean-Michel Morel, sur des problèmes de mathématiques pour le traitement d'images. J'y ai aussi commencé ma carrière, même si j'ai enchainé très vite sur un post-doc à Trieste en Italie (à la SISSA). J'ai ensuite été membre du CMAP à l'École polytechnique à Palaiseau, pendant près de 20 ans (et directeur pendant 6 ans) et suis "retourné" au CEREMADE (qui a un peu changé tout de même...) il y a deux-trois ans.
Quel est votre domaine de recherche ?
Je travaille en calcul des variations et optimisation, sur des problèmes inverses en traitement d'images, des questions théoriques et numériques relatives à la croissance des fractures dans les matériaux élastiques, des problèmes d'évolution de frontières : bref, des problèmes appliqués où les inconnues sont des ensembles ou des fonctions discontinues et où l'analyse et la géométrie jouent chacune leur rôle. J'aime bien à la fois comprendre la théorie et chercher des approches numériques et algorithmiques pour résoudre des problèmes.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire des mathématiques ? Y a-t-il eu des rencontres décisives dans votre carrière, ou bien des résultats qui ont profondément marqué votre relation aux mathématiques ?
Comme beaucoup, de façon peut-être pas très intelligente, j'ai fait des mathématiques parce que je trouvais ça facile et amusant, même si l'impulsion d'un professeur de collège (en 4è?), qui rendait la matière intéressante, a été essentielle... Après, j'ai aussi beaucoup hésité, entre la physique, l'informatique, les mathématiques, et c'est plutôt le sentiment (que j'avais à l'époque -- et qui est peut-être fondé) que le milieu des mathématiques appliquées était plus collaboratif et plus détendu que d'autres disciplines qui m'a poussé vers cette voie (avec l'idée de travailler sur des "vrais" problèmes, de faire des simulations et de voir les résultats).
Qu’aimez-vous dans le métier de mathématicien ? Comment le décririez-vous à quelqu’un d’extérieur à la recherche ?
S'il y a bien une chose que je trouve difficile à expliquer à quelqu'un d'extérieur à la recherche, c'est bien ce que font les mathématiciens.
J'aime beaucoup de choses dans ce métier, mais peut-être surtout les collaborations, les contacts avec d'autres chercheurs, jeunes et moins jeunes, les étudiants, et le fait de transmettre. J'aime moins le fait de devoir toujours prétendre planifier ce qu'on fera dans 5 ans alors qu'au fond, je peux vous avouer que je n'en sais absolument rien, ni si je serai là. J'espère que ça ne désole pas le contribuable.
Savez-vous déjà de quoi vous allez parler à l'ICIAM en août ? Qu’est-ce que ce congrès représente pour vous ?
A l'ICIAM, j'ai prévu de parler de résultats théoriques sur la croissance des fractures dans les matériaux fragiles, même si j'ai un peu hésité (je soupçonne un peu qu'une partie du comité m'ait proposé pour mes travaux en optimisation). C'est un domaine où j'ai des résultats récents, assez spectaculaires (pour les experts...) d'un point de vue théorique (par rapport à ce qu'on comprenait il y a 10 ans) mais beaucoup moins d'un point de vue pratique dans la mesure où il "ne font que justifier" (et partiellement) des calculs mis en œuvre par des ingénieurs et des collègues numériciens depuis bien longtemps. J'ai une relation compliquée avec l'ICIAM : comme tout le monde je ne supporte pas de passer plus de temps à comprendre dans quelle session je vais me rendre qu'à écouter des exposés et j'ai souvent l'impression de m'être trompé de salle... Mais le fait de pouvoir retrouver de nombreux collègues du monde entier et échanger avec eux est quand même très positif, et j'ai un très bon souvenir de la conférence à Valence il y a 4 ans. Je ne suis pas très sûr que j'aurais été à Tokyo cet été ceci dit, sans cette invitation (et j'espère que je ne rencontrerai pas que des Européens !)...