Interview de Guy David, nouveau membre de l'Académie des Sciences

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Guy David est professeur à l'Université Paris-Saclay, membre du laboratoire de mathématiques d'Orsay (CNRS – Université Paris-Saclay). Lauréat 2001 de la médaille d’argent du CNRS, il a été élu membre de l’Académie des Sciences en 2022, dans la division « Sciences mathématiques et physiques, sciences de l’univers et leurs applications » dans la section de Mathématiques. Suite à la cérémonie de réception des nouveaux membres, découvrez son interview.

Pourriez-vous vous présenter et présenter vos thématiques de recherche ?

Je suis analyste. Plus précisément, j’aime utiliser les outils du calcul des variations où l’on minimise des fonctionnelles, soit pour trouver des objets qui exercent un compromis entre plusieurs qualités désirables, soit parce que c’est plus simple d’utiliser la minimisation d’une énergie que les équations satisfaites, par exemple par des fonctions.

J’ai par exemple un peu étudié la fonctionnelle de Mumford-Shah, qui fut inventée par ses auteurs pour chercher des approximations simples d’images numériques,  qui soient à la fois proche de l’image initiale, avec une dérivée pas trop grande et en autorisant un ensemble de bords d’images pas trop long. D’où une fonctionnelle qui est l’addition de trois termes, un pour chaque contrainte. Les problèmes typiques dans ce cas sont de démontrer l’existence d’images qui minimisent la fonctionnelle, puis la régularité des minimiseurs. Avec un plaisir supplémentaire quand les minimiseurs de la fonctionnelle ont de meilleures propriétés que ce qu’il semblait au départ.

Dans le cas de Mumford-Shah, officiellement, on demande seulement que l’ensemble des bords soit de mesure totale finie pas trop grande et on s’attend à ce qu’il soit une union finie de courbes de classe C1. Mais beaucoup d’équations aux dérivées partielles (EDP) sont aussi “variationnelles”; ainsi les fonctions harmoniques (les solutions du Laplacien) minimisent localement l’intégrale du carré du gradient. Souvent, utiliser intelligemment l’énergie associée aide à mieux comprendre les solutions d’EDP. Enfin, j’aime bien utiliser des méthodes de “théorie géométrique de la mesure”, où l’on s’intéresse aux propriétés géométriques assez faibles de régularité des ensembles de l’espace Euclidien, comme la rectifiabilité.

Vous aurez compris que, pour moi les outils sont souvent plus importants que le sujet, et la manière dont on démontre un résultat est souvent plus intéressante que le résultat.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire des mathématiques ?

Tout petit déjà, j’aimais ça. Je crois que j’ai eu la chance de ne jamais être trop en avance scolairement, d’avoir des professeurs intéressants et enthousiastes, et de pouvoir continuer à faire ce que j’aimais. Je suis un produit heureux des “maths modernes”.

Qu’aimez-vous dans le métier de mathématicien ?

Faire des maths? À la fois pour le plaisir de comprendre ce qui se passe, et de construire des objets (si possible, ma construction personnelle, à moi, à laquelle personne n’avait pensé, bien entendu, mais pas forcément). Et bien sûr, c’est un jeu qui se pratique encore plus agréablement à plusieurs (disons 2 ou 3), parce que l’on est moins seul et les autres sont souvent plus savants ou plus malins. Travailler en collaboration, c’est aussi le moyen d’apprendre de nouvelles choses en douceur (autrement, c’est souvent très dur).

Que représente pour vous cette nomination à l’Académie des Sciences ?

Je ne sais pas encore trop. Je suis très touché et à vrai dire un peu gêné qu’ils aient pensé à moi. C’est bien de se rendre utile, j’essaierai, mais j’ai peur que mes faibles moyens soient vraiment faibles.

Quels sont vos projets actuels et futurs ?

Il nous reste (j’ai quelques collaborations en cours, dont un projet sur la localisation des fonctions propres) encore beaucoup de choses en cours, à finir, ou à commencer. Par exemple, nous avons redécouvert, grâce à un physicien (Marcel Filoche) avec lequel on travaille pour des questions de localisation de fonctions propres, que pour les fonctions harmoniques sur un domaine, le problème au bord dit “de Robin” était beaucoup plus intéressant et profond que je ne le pensais. Donc nous voici repartis pour essayer de comprendre la mesure harmonique dans ce cadre.