Ktirio, plateforme cloud de services pour la simulation énergétique dynamique des bâtiments
Le projet de prématuration Ktirio, qui vise à développer une plateforme cloud de services pour la simulation énergétique dynamique (SED) des bâtiments, initie un modèle de valorisation innovant en mathématiques dans un domaine de recherche en émergence. La principale innovation de rupture de ce projet est l’introduction de méthodes d’assimilation de données qui permettent d’enrichir et de fiabiliser les modèles physiques grâce à l’intégration de données mesurées issues de capteurs. L'enjeu est tant la réduction de l'impact environnemental des bâtiments que l'optimisation de la qualité environnementale intérieure (QEI) des occupants. L'offre de services qui sera développée, répond à la nécessité d’accélérer la transition numérique dans le bâtiment en apportant des solutions concrètes et de rupture pour le suivi des consommations énergétiques, l’identification des anomalies et la proposition de pistes d’améliorations et/ou de stratégies de rénovation. La plateforme s'adressera aux professionnels de la construction et en priorité à ceux qui interviennent sur des projets de rénovation énergétique pour une aide à la prise de décision. Dans ce cadre, Ktirio est soutenu par le pôle de compétitivité Fibres EnergiVie, qui souhaite même s’impliquer aux côtés du porteur dans sa recherche d’entreprises lors de son déploiement. A l'occasion de l'événement de lancement du projet le 21 juin 2022, le porteur du projet Christophe Prud'homme, professeur à l'université de Strasbourg, membre de l'Institut de recherche mathématique avancée (IRMA - CNRS/Université de Strasbourg), répond à nos questions sur la genèse et les enjeux du projet, ainsi que sur l'accompagnement en prématuration.
En quoi consiste votre projet ?
Ktirio est une plateforme en ligne de services pour la simulation énergétique des bâtiments. Elle embarque un large éventail d’outils, allant de la génération automatique de modèles énergétiques de bâtiments à leur simulation. Des outils de synthèse sont également embarqués pour fournir à l’utilisateur une vue d’ensemble des résultats sous la forme d’indicateurs de confort et de performance énergétique. De plus, une solution de déploiement de capteurs est proposée pour suivre en temps réel le confort et les consommations énergétiques. Les données ainsi collectées seront par ailleurs utilisées pour fiabiliser les modèles énergétiques à travers des méthodes d’assimilation de données. Des méthodes de réduction d’ordre sont également intégrées pour accélérer les simulations. Tous ces outils sont déployés sous la forme de services sur une plateforme cloud pour donner accès aux utilisateurs à des ressources de calcul adaptées à leurs besoins.
Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ?
Il y a quelques années, j'ai déposé avec mon collègue Vincent Chabannes, un projet de maturation auprès de la SATT Conectus, la filiale valorisation de l'Université de Strasbourg, pour valoriser les travaux dans le domaine des méthodes de réduction d'ordre pour accélérer considérablement les temps de calcul de simulations numériques. Malgré des développements fructueux et un projet d'incubation, nous avons réalisé que nous avions besoin de développer notre technologie dans un type d'application spécifique : nous avions une technologie trop générique. Cependant, la recherche n'a pas été concluante. À l'époque ma conviction était que ce type de méthode et le développement de l'IoT allaient former un duo explosif. La dénomination "jumeau numérique" est apparue peu de temps après. C'est devenu un enjeu pour de nombreuses entreprises.
Deux ans plus tard, je propose de monter un projet avec la plateforme Ibat à l'université de Strasbourg pour la simulation énergétique de bâtiment. Cela a conduit à la rencontre avec l'entreprise Synapse-Concept et sa filiale Imag'ing qui nous ont permis de faire la reconstruction 3D du bâtiment de la plateforme (le pole API à Illkirck GraffenStaden) et qui sont très intéressés par les outils que nous développons. Nous avons alors monté 2 projets PEPS AMIES, que je remercie ici vivement pour son soutien sans lequel nous ne serions pas là aujourd'hui, et qui nous ont permis de consolider notre relation et développer notre stratégie pour la plateforme Ktirio. Cela a aussi été l'occasion de recruter, au travers du Forum Emploi Maths organisé par AMIES, notre collègue Zohra Djatouti, experte en ingénierie civile et tout juste docteure. Cette collaboration multi-disciplinaire a accéléré le projet et nous a permis, en tant que mathématiciens, de mieux appréhender les challenges.
Enfin, en 2021, grâce à mon collègue Driss Yakoubi nous avons tissé des liens avec Cisco Meraki qui nous a fait don de plusieurs dizaines de capteurs et nous donné accès à sa plateforme cloud pour héberger les données. Le partenariat qui s'en est suivi nous a permis d'y voir plus clair sur un possible business modèle que nous avons soumis à CNRS innovation. Le CNRS finance à présent notre projet de prématuration.
Quelles mathématiques interviennent dans le projet Ktirio ?
La plateforme Ktirio intègre de nombreux principes mathématiques et méthodes numériques, mais sa force réside dans l’utilisation conjointe de méthodes de modélisation multi-fidélité, simulation (élément fini, multi-zone, réduction d'ordre) et optimisation (assimilation de données, calibration) ou encore quantification d'incertitudes.
Quels sont les enjeux d'un projet de prématuration ?
Le principal enjeu du projet de prématuration est d’amener la plateforme Ktirio à niveau de maturation suffisant pour envisager sa mise à disposition des utilisateurs. Pour cela, nous devons créer la couche technique qui assurera une sécurité minimale de la plateforme et permettra la gestion des droits et rôles des utilisateurs. À l’issue de ce projet, la plateforme devra être testée par une cinquantaine d’utilisateurs bienveillants. L’étape de prématuration nous permettra également d’identifier ces bêta-testeurs et de rentrer en contact avec eux.
De quel accompagnement a bénéficié le projet Ktirio ?
Le CNRS, en particulier l’INSMI, nous a assisté durant toutes les étapes de la demande de prématuration, aussi bien sur le fond que sur la forme. Cela nous a permis de formuler notre candidature en tenant compte des exigences du programme de prématuration, et de nous préparer à l’oral. Cet accompagnement nous a, par ailleurs, permis de soulever des questions pratiques telles que la protection de la propriété intellectuelle et des données personnelles de nos futurs utilisateurs.
Par ailleurs, les différentes interactions nous ont permis d'affiner notre réflexion, et le fait de présenter notre travail à des personnes avec différents profils nous a aussi aidé à identifier des classes importantes de clients potentiels.
Que diriez-vous à une ou un collègue qui envisage de déposer un projet de prématuration ?
La prématuration nous a permis de confronter nos idées et notre projet à des exigences différentes du monde de la recherche. Cela s'est fait de manière constructive et a réellement enrichi notre vision avant même d'avoir démarré la prématuration.
Contact
Christophe Prud'homme est professeur à l'Université de Strasbourg, membre de l'Institut de recherche mathématique avancée (IRMA - UMR7501 - CNRS/Université de Strasbourg) et directeur du Centre de Modélisation et de Simulation de Strasbourg (Cemosis).