La conjecture de Davison-Meinhardt, une petite histoire de motifs illustrée

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Florian Ivorra, maître de conférences et Julien Sebag, professeur des universités, sont tous les deux membres de l'Institut de Recherche Mathématique de Rennes1 . Ils présentent leurs travaux sur la conjecture de Davison-Meinhardt.

  • 1CNRS/ENS RENNES/INSA RENNES/UNIV RENNES/UNIV RENNES 2

Suite à des travaux liminaires de Milnor, Grothendieck a introduit, dans sa lettre à Serre du 30 octobre 1964, la notion de faisceaux des cycles proches associée au cadre géométrique très courant de l'étude de la dégénérescence d'une fibration en hypersurfaces dans une variété algébrique. La genèse de l'énoncé que nous présentons dans cette note est ancrée dans l'histoire récente des cycles proches.

Le théorème suivant, qui peut se voir comme une version simplifiée de [4, Theorem 1.2], établit en effet une formule sur les cycles proches dans la catégorie homotopique stable des schémas, qui représente, actuellement, l'un des cadres les plus aboutis de la théorie des motifs telle qu'imaginée par Grothendieck :

Théorème. Soit k un corps de caractéristique zéro et X une k-variété lisse munie d'une action du monoïde $\mathbf{A}^1$. Soit $f:X\rightarrow\mathbf{A}^1_k$ un morphisme $\mathbf{A}^1$-équivariant de poids $n\in\mathbf{N}^\times$. Il existe un isomorphisme canonique

\[(f_\sigma)_!\Psi_{f}(\mathbb{1}_{X_\eta})\rightarrow (f_1)_!\mathbb{1}_{X_1}\]

dans la catégorie $\mathbf{SH}(k)$.

 

Cet énoncé peut se résumer ainsi : sous l'hypothèse proposée, le motif proche de f (version motivique du faisceau des cycles proches de Grothendieck) s'identifie au motif à support compact de la fibre de f au-dessus de 1. Cet isomorphisme constitue une version fonctorielle d'une conjecture due à Behrend-Bryan-Szendrői[1] et Davison-Meinhardt[2,3], apparue initialement dans le contexte de la théorie des invariants de Donaldson-Thomas.

L'objectif du texte qui va suivre est de donner une sorte d'exégèse du théorème précédent. La formulation obtenue s'inscrit en effet dans le fil historique des différentes étapes de construction des cycles proches, que nous brossons à gros traits : inspirée par une conjecture pour des motifs virtuels (introduits dans les années 60), elle produit un isomorphisme fonctoriel de motifs, au sens de la théorie de l'homotopie stable des schémas (construite à partir du milieu des années 90) qui induit, à son tour, par spécialisation, des versions cohomologiques et virtuelles. De ce fait, notre présentation impliquera de revenir sur certaines des constructions nécessaires à la compréhension du problème et de sa résolution ; en particulier, les variantes homotopiques stables et virtuelles des cycles proches. Le texte soulignera en particulier les avantages incontestables que peut naturellement apporter le formalisme des motifs, au sens de l'homotopie stable des schémas, pour ce type de résultats :  la fonctorialité,  l'assouplissement des hypothèses techniques, l'existence de nouvelles réalisations de la formule vers des contextes plus nombreux que les seules théories cohomologiques et (surtout) l'absence de virtualité.

Références :

  1. Kai Behrend, Jim Bryan, and Balázs Szendrői, Motivic degree zero Donaldson-Thomas invariants, Invent. Math. 192 (2013), no. 1, 111–160. MR 3032328
  2. Ben Davison and Sven Meinhardt, Motivic Donaldson-Thomas invariants for the one-loop quiver with potential, Geom. Topol. 19 (2015), no. 5, 2535–2555
  3. Ben Davison and Sven Meinhardt, The motivic Donaldson-Thomas invariants of (−2)-curves, Algebra Number Theory 11 (2017), no. 6, 1243–1286
  4. 4. Florian Ivorra and Julien Sebag, Nearby motivic sheaves of weighted equivariant functions, Invent. Math. Online (2022)

Contact

Florian Ivorra
Maître de conférences à l'Institut de Recherche Mathématique de Rennes
Julien Sebag
Professeur des universités à l'Institut de Recherche Mathématique de Rennes