Le laboratoire international Abraham de Moivre, fer de lance des relations scientifiques et mathématiques entre le Royaume-Uni et la France
Créé en 2018, le laboratoire international de recherche (IRL) Abraham de Moivre est un laboratoire commun entre le CNRS et l’Imperial College London dont l’objectif est d’établir un partenariat à long terme entre les communautés mathématiques françaises et britanniques. Un objectif atteint, car le laboratoire connaît en avril 2024 un renouvellement pour 5 ans qui lui permettra de développer encore plus les collaborations scientifiques entre les deux pays.
L’origine d’une collaboration fructueuse
Situé au sein du département de mathématiques de l’Imperial College à Londres, l’IRL Abraham de Moivre couvre tous les domaines des mathématiques et de leurs interactions avec d’autres disciplines telles que la physique, l’informatique, la biologie, l’économie et les sciences sociales. Plus précisément, les thématiques mises en avant pour la période 2023-2027 sont l’intelligence artificielle dans la science, les mathématiques de la planète Terre, la théorie des nombres, l’analyse, les équations aux dérivées partielles, les mathématiques financières, l’analyse stochastique, la mécanique statistique et la physique mathématique, les mathématiques appliquées et les biomathématiques.
Le laboratoire a été nommé en l’honneur du mathématicien français des 17ème et 18ème siècles Abraham de Moivre. Celui-ci s’est établi à Londres après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685, devenant membre de la Royal Society et s’établissant comme pilier de la communauté scientifique anglaise aux côtés, entre autres, d’Isaac Newton et Edmond Halley. Abraham de Moivre a joué un rôle prépondérant dans le développement de la géométrie et de la théorie des probabilités.
La création du laboratoire commun Abraham de Moivre visait à consolider les relations déjà existantes entre les communautés mathématiques anglaises et françaises. La collaboration entre le CNRS et l’Imperial College London a tout d’abord débuté par la création des ICL-CNRS Fellowships, financées conjointement par le département de mathématiques de l’Imperial College et l’Insmi, qui permettaient à des chercheuses et chercheurs français d’effectuer des séjours de longue durée à l’Imperial College. Le nouveau laboratoire a permis de renforcer et d’étendre ce programme en offrant l’opportunité aux chercheuses et chercheurs britanniques d’effectuer à leur tour des séjours de longue durée dans les différentes unités mixtes de recherche en mathématiques françaises rattachées à l’Insmi. Au-delà de ce programme, l’existence d’un laboratoire commun a permis de dynamiser les échanges et faciliter l’organisation de réseaux de recherche, de workshops ou encore de conférences entre les deux communautés.
Depuis, les liens entre le CNRS et l’Imperial College ne cessent de se renforcer. Après la création de l’IRL Abraham de Moivre en 2018, c’est en 2022 que cette collaboration franchit une nouvelle étape avec, cette fois-ci, la création d’un centre international de recherche (IRC). Tournant majeur de la coopération entre les deux institutions, ce nouvel outil s’appuie sur un socle riche de collaborations déjà existantes, notamment dans le domaine des sciences mathématiques. Cet IRC, tout comme l’IRL Abraham de Moivre, contribue ainsi au rayonnement des collaborations franco-britanniques en mathématiques et constitue un ancrage scientifique fort entre les deux pays.
Des collaborations franco-britanniques dynamiques en mathématiques
De nombreux programmes existent afin d’inciter la mobilité et les échanges entre les deux institutions. L’IRL Abraham de Moivre offre ainsi de nombreuses opportunités aux chercheuses et chercheurs pour développer leurs projets de recherche dans le cadre d’une collaboration. Tout d’abord, les ICL-CNRS Fellowshipsproposent des visites prolongées aux membres des UMR de l’Insmi au Département de mathématiques. Les Short-Term Exchange Grants, quant à eux, permettent à des chercheuses et chercheurs de l’Imperial College de séjourner dans des laboratoires français, ou bien d’accueillir leurs homologues français à Londres pour une courte période. Sont également proposées des mobilités entrantes de trois mois à l’Insmi ainsi qu’un Imperial-CNRS Collaboration Fund. L’IRL est aussi très prisé par des scientifiques d’autres instituts du CNRS qui y trouvent des interactions intéressantes avec leurs recherches. En ce moment, le laboratoire Abraham de Moivre accueille Marie Touboul, chercheuse CNRS Ingénierie travaillant sur les métamatériaux.
Envie d'effectuer une mobilité ?
L’Insmi encourage fortement les chercheuses et chercheurs intéressés par une mobilité à l’IRL Abraham de Moivre à candidater à la campagne de mobibilité 2025-2026, actuellement ouverte.
Enfin, l’Imperial-CNRS PhD Joint Programme a lancé son 5e appel, tourné vers toutes les disciplines et qui soutient en moyenne 4 à 6 projets par appel. Chacun de ces projets inclut une doctorante ou un doctorant par institution, qui devront chacun passer du temps à l’Imperial College ainsi que dans le laboratoire du CNRS partenaire au cours de leur doctorat. Deux projets en mathématiques sont actuellement hébergés au sein du laboratoire Abraham de Moivre.
Focus sur l'un de ces projets
Gabriel Stoltz, chercheur au CERMICS et membre de la Fédération Bezout1 , et Grigorios Pavliotis, chercheur au Département de Mathématiques de l’Imperial College, ont reçu un financement pour leur projet « Physique statistique hors d'équilibre - analyse mathématique et algorithmes ». Ce projet se situe à l'interface de différents domaines des mathématiques, allant de l'analyse fonctionnelle et de la théorie des équations aux dérivées partielles à la théorie des probabilités et à l'étude des processus stochastiques, en mettant l'accent sur l'analyse numérique associée. L'objectif est de construire et d'analyser mathématiquement des méthodes de réduction de la variance pour calculer efficacement les propriétés stationnaires des dynamiques stochastiques hors équilibre (en particulier dans le régime de réponse linéaire), par opposition aux méthodes numériques directes reposant sur de simples moyennes temporelles, dont les performances sont intrinsèquement limitées.
Outre les deux chercheurs principaux, l'équipe de recherche comprend Andrew Duncan à l'Imperial College, ainsi que Tony Lelièvre et Urbain Vaes à la Fédération Bezout. Le financement a permis de recruter Raphael Gastaldello en décembre 2023 en tant que doctorant à la Fédération Bezout, et un doctorant est en cours de recrutement à l'Imperial College. Raphael Gastaldello a déjà rendu visite à Grigorios Pavliotis une fois à Londres, et prévoit des séjours prolongés dans la ville au cours de l'année à venir pour lancer un projet commun avec celui-ci. Le financement de la mobilité (5000 euros/an du côté français) permet au doctorant impliqué dans le projet de passer beaucoup de temps à Londres et facilite les visites de chercheurs plus expérimentés.
- 1CNRS/École des Ponts Paristech/Université Gustave Eiffel/Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne
Le deuxième projet est quant à lui porté par Judith Rousseau, chercheuse au CEREMADE2 et Kolyan Ray, chercheur à l’Imperial College. Financé via la campagne PhD Joint Programme 2023, il débutera à la rentrée 2024.
Des recherches ancrées dans les défis sociétaux actuels
Fort de son succès et de son dynamisme, le laboratoire Abraham de Moivre entend pousser encore plus loin son développement pour les 5 années à venir, en incitant ses mathématiciennes et mathématiciens à travailler notamment sur les grands défis que rencontre notre société tels que le climat, la santé ou encore le développement durable. De même, de nombreuses technologies émergentes destinées à s’intégrer dans la société reposent sur des mathématiques et nécessitent d’être approfondies via la recherche. L’intelligence artificielle ou encore l’apprentissage automatique, par exemple, reposent généralement sur des algorithmes complexes, que les scientifiques de l’IRL entendent améliorer dans un certain nombre de domaines.
Le laboratoire souhaite également augmenter le nombre de projets financés par l’Europe et améliorer la mobilité entre la France et le Royaume-Uni. Dans cette optique, le Conseil Européen de la Recherche a récemment accordé une subvention de près de 10 millions d’euros pour favoriser les candidatures et projets dans le cadre d’Horizon Europe. La France et le Royaume-Uni prévoient ainsi de renforcer leur coopération en recherche et en innovation, ce qui pourrait se répercuter au niveau du laboratoire, comme dans le cadre du projet ERC Synergy STUOD (Stochastic Transport in Upper Ocean Dynamics) pour lequel un financement de 10 millions d’euros a permis de constituer une équipe d’une trentaine de scientifiques répartis entre Londres, Rennes et Brest, afin d’étudier la façon dont les océans réagissent au changement climatique.
- 2CNRS/Université Paris Dauphine - PSL