Maths, entreprises & Société : portrait d'Estelle Medous

Innovation Portraits

Le prix de thèse maths entreprises & société a été créé en 2013 par l'Amies pour promouvoir les thèses de mathématiques réalisées en partie en collaboration avec un partenaire socio-économique et ayant des retombées directes pour celui-ci. Il est parrainé par les sociétés savantes SFDS, SMAI et SMF.

Parrainé par les sociétés savantes Société Française de Statistique (SFDS), la Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles (SMAI) et la Société Mathématique de France (SMF), le prix de thèse 2024 a été remis lors de la 13ème édition du Forum Entreprises & Mathématiques, lundi 7 octobre 2024.

 

  • Titre de la thèse : Méthode généralisée de partage des poids et intégration de données pour l’amélioration de la précision des estimateurs de trafic postal en France
  • Université de délivrance : Université Toulouse Capitole
  • Directrices & directeurs de thèse : Anne Ruiz-Gazen (Toulouse School of Economics) et Camelia Goga (Université de Franche-Comté)
  • Encadrants industriels : Alain Dessertaine et Pauline Puech
  • Entreprise : LA POSTE
  • Actuellement post-doctorante au Laboratoire de Mathématiques Jean Leray de Nantes ; travaillant à l’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), au service du Référencement forestier nationale. 

 

Qu’est-ce qui vous a motivée à faire une thèse en lien avec le monde socio-économique ?

J’ai une licence d’économie et mathématiques, une licence de mathématiques théoriques et un master de mathématiques théoriques. À la fin de mon master, je savais que je voulais au moins faire mon stage en lien avec le monde socio-économique, sans avoir trop d’idées pour la thèse. J’ai pris contact avec des professeurs de mon école d’économie pour chercher des pistes de stages. L’opportunité s’est présentée à moi avec le groupe La Poste, qui avait un stage à proposer : ce qui était censé être un stage de préparation de thèse a évolué en thèse.

Pouvez-vous nous parler de votre sujet de thèse ?

Mon sujet de thèse porte sur les sondages (branche des statistiques), et plus précisément sur la méthode généralisée de partage des poids. C’est une méthode d’estimation en sondage, dans un contexte où l’on vise une population qui est reliée à notre population d’intérêt, c’est-à-dire lorsqu’on ne peut pas aller directement interroger cette population-là. On va aller observer une autre population, qui est reliée à notre population d’intérêt, on leur pose des questions et à partir de là on fait des conclusions sur la population qu’on n’a pas pu observer. Il s’agit d’une méthode de sondage qui est assez à la mode en ce moment, qui est utilisée par La Poste et sur laquelle il n’y a pas encore eu beaucoup de développement théorique après les premiers articles. 

Y a-t-il eu une évolution de votre collaboration avec La Poste ? 

Il y a effectivement eu une évolution de cette collaboration ; le service a été réorganisé à la suite de directives internes au groupe La Poste. Sans avoir officiellement changé d’équipe, je ne travaillais plus avec l’équipe initiale à la fin de ma thèse. Je ne travaillais d’ailleurs même plus sur le sujet à la fin mais sur les calculs quantiques… ce qui n’a pas fini dans la thèse, c’était trop loin du sujet !

Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés lors de votre recherche ?

L’épidémie de la Covid19 a été un défi majeur. La demande de thèse a été envoyée en décembre 2019, et a été reçue six mois plus tard au lieu de trois en temps normal. Une autre difficulté était liée plutôt à l’obtention de données. J’ai beaucoup travaillé sur les données au début de ma thèse, jusqu’à ce qu’on ait besoin de données précises… qui ne sont arrivées que 6 mois avant la fin de la thèse. On a donc un peu inversé le pourcentage de travail autour des données théoriques. La thèse a commencé majoritairement avec de la donnée, de la création de code, et elle a fini majoritairement avec de la recherche.

De quelle manière votre travail a t-il bénéficié aujourd’hui ou bénéficiera dans le futur au monde socio-économique ? 

La méthode sur laquelle j’ai travaillé est de plus en plus utilisée, car très facile à mettre en place. Ce que j’ai fait dans ma thèse permet, d’une part, un apport pour faciliter la mise en place, et d’une autre, cela permet d’améliorer la précision (mais avec des contraintes sur la mise en place).

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes souhaitant orienter leurs recherches en mathématiques vers des applications concrètes ?

Bien choisir ses encadrantes et/ou encadrants. Ne pas se dire que parce qu’on est thésarde ou thésard il faut tout supporter ! Pour moi, cela s’est très bien passé : mon équipe était à l’écoute, on s’est bien occupé de moi. Ce n’est pas partout le cas. En entreprise, ça peut déraper plus facilement que sur une thèse classique : il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds. On est là pour faire de la recherche, pas pour faire ingénieur… C’est donc important de savoir ce qu’on fait, ce qu’on est censé faire et de garder du recul sur les demandes de l’entreprise. Malheureusement, c’est un danger qui existe.

Maintenant que vous avez validé votre thèse, quelle est la suite de vos projets ?

Je suis actuellement en poste service du Référencement forestier nationale de l’IGN. Le référencement forestier est utilisé pour tout ce qui va être bilan carbone, ou quantité de bois. On travaille sur un outil public permettant à d’autres personnes qui font de la recherche, notamment biologistes, de calculer la quantité d’un arbre ou d’une espèce donnée sur un territoire donné, par exemple. Comme lors ma thèse, c’est un poste qui mélange théorique & application : je fais parfois de la recherche pour essayer de comprendre les choses et de voir comment on peut les améliorer. D’autres fois, je vais essayer de fouiller dans les données pour comprendre ce qu’il se passe en pratique. 

En tant que jeune chercheuse, comment percevez-vous l’évolution du lien entre la recherche académique en mathématiques et le monde socio-économique ? 

Ces deux domaines restent encore assez fermés l’un à l’autre, je trouve. Les entreprises peuvent penser que la recherche ne va pas les aider sur des problèmes pressants, tandis que la recherche a tendance à ne pas vouloir discuter parce que les entreprises ont parfois des obligations de résultat non réalistes. Car la recherche, ça prend du temps. Il faut donc travailler davantage vers un terrain d’entente.