Interview de Michel Pain, chargé de recherche au CNRS
Interview de Michel Pain, recruté chargé de recherche au CNRS en 2021, affecté à l'Institut de mathématiques de Toulouse (IMT - UMR5219 - CNRS, INSA Toulouse, Université Toulouse Paul Sabatier).
Quel est ton sujet de recherche ?
Je travaille sur la théorie des probabilités. Pendant ma thèse, j’ai étudié principalement le mouvement brownien branchant, un modèle dans lequel des particules se déplacent aléatoirement dans l’espace avant de donner naissance à un nombre aléatoire de particules, qui se déplacent et se reproduisent indépendamment, et ainsi de suite. J’ai par exemple travaillé sur la manière dont le front de cette population de particules se propage dans l’espace au fil du temps.
Le mouvement brownien branchant est étudié depuis une soixantaine d’années et il apparaît dans de nombreux autres contextes mathématiques, ainsi qu’en physique statistique, en biologie et en algorithmique.
Il est par exemple le représentant le plus simple d’une famille assez générale de modèles, les champs log-corrélés, que j’ai également étudiée. Heuristiquement, un champ log-corrélé est un système aléatoire au sein duquel des interactions ont lieu à la même intensité à toutes les échelles. Ce type de corrélations apparaît par exemple dans le spectre des matrices aléatoires, sur lesquelles j’ai commencé à travailler en post-doctorat. Je m’intéresse tout particulièrement aux propriétés communes, dites universelles, qui apparaissent dans les différents modèles de cette famille.
Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?
Après une classe préparatoire, j’ai intégré le département de mathématiques de l’ENS Paris. J’ai fait un Master de probabilités à l’université Paris 6, puis j’y ai fait mon doctorat sous la direction de Zhan Shi. Je suis ensuite parti deux ans à New York, au Courant Institute, pour un post-doctorat avec Paul Bourgade. Je suis à présent chargé de recherche à l’université Toulouse III.
Qu’est-ce qui t’a amené à faire des mathématiques ?
J’ai toujours aimé les mathématiques. Au collège et au lycée, j’étais inspiré par mes professeurs et j’ai donc d’abord voulu enseigner les maths. À cette époque, j’aimais réfléchir à des problèmes mathématiques, mais je m’imaginais difficilement ce qu’est concrètement la recherche en maths. C’est pendant mes études supérieures que j’ai découvert le monde de la recherche et que j’ai souhaité poursuivre dans cette voie.
Y a-t-il des résultats, des lieux ou des rencontres qui ont été décisifs dans ton approche des mathématiques ?
J’avais un a priori assez négatif sur les probabilités au lycée, mais j’ai changé d’avis après mon premier cours de probabilité en licence, qui était enseigné par Zhan Shi et Igor Kortchemski. J’y ai découvert deux grands types de résultats en probabilités : les lois des grands nombres, énonçant qu’un système impliquant un grand nombre de variables aléatoires se comporte à première vue de manière déterministe, et les théorèmes centraux limites, décrivant les fluctuations aléatoires qui ont lieu autour de ce comportement déterministe. Dans les deux cas, le résultat final ne dépend généralement pas du choix précis des variables aléatoires sous-jacentes, mais seulement de la structure globale. On parle alors d’universalité et j’apprécie tout particulièrement ce type de résultats.
Ma manière de faire de la recherche a été grandement influencée par les personnes avec qui j’ai eu l’occasion de travailler, mes encadrants de thèse et de post-doctorat ainsi que mes co-auteurs. Il est particulièrement intéressant de voir la manière dont différentes personnes s’attaquent à des problèmes et sélectionnent les questions de recherche qui leur semblent pertinentes, cela permet de prendre du recul par rapport à son propre travail.
Pourquoi le CNRS ?
Un poste au CNRS permet de se consacrer pleinement à la recherche avec une grande liberté dans le choix des questions à étudier. Ces conditions sont idéales pour pouvoir s’attaquer à des problèmes difficiles, sans la pression d’obtenir des résultats à court terme.
Contact
Michel Pain est chargé de recherche au CNRS, membre de l'Institut de mathématiques de Toulouse (IMT - UMR5219 - CNRS, INSA Toulouse, Université Toulouse Paul Sabatier).