Alejandro Maass nommé CNRS Fellow Ambassadeur
En 2023, le CNRS crée le titre de "CNRS Fellow-Ambassadeur", un dispositif ancré dans la traditions des éminents "visiting professors". Chaque chercheur du programme s'engage ainsi à passer au moins un mois par an, pendant trois ans, dans un ou plusieurs laboratoires en France, ce qui lui permettra d'échanger avec des doctorants, post-doctorants et chercheurs. Pour cette première promotion, une dizaine de chercheurs exceptionnels, souhaitant renforcer leurs collaborations avec le CNRS, ses laboratoires et ses scientifiques, ont été sélectionnés. Parmi eux se trouve le professeur Alejandro Maass, mathématicien à l'Universidad de Chile au Chili. Découvrez son interview.
Pourriez-vous commencer par une présentation de vous-même et de votre carrière ?
J'ai étudié l'ingénierie mathématique à l'université du Chili, où j'ai obtenu un diplôme d'ingénieur en 1990. J'ai ensuite déménagé en France où j'ai obtenu mon doctorat en 1994 à l'Institut de mathématiques de Luminy de l'Université Aix-Marseille. Ma thèse portait sur la théorie ergodique des automates cellulaires et l'entropie locale des systèmes dynamiques. En 1994, j'ai rejoint le département d'ingénierie mathématique de l'université du Chili et, en 2000, le Centre de modélisation mathématique (CMM) nouvellement créé à l'université du Chili. Depuis, je mène des recherches fondamentales et appliquées dans les domaines de la théorie ergodique et de la biologie des systèmes. En 2002, j'ai créé le Laboratoire de bio-informatique et de Mathématiques du Génome au CMM afin de fournir des outils informatiques et mathématiques permettant de résoudre des problèmes biotechnologiques d'un point de vue mathématique. Ce laboratoire a participé aux principaux programmes génomiques au Chili et entretient une collaboration internationale avec plusieurs groupes en France et aux États-Unis. De 2004 à 2006, j'ai été membre junior de l'Académie chilienne des sciences. En 2009, je suis devenu membre de l'Académie chilienne d'ingénierie et en 2018, j'ai été élu membre correspondant de l'Académie chilienne des sciences. En 2009, j'ai reçu le prix de l'Union mathématique d'Amérique latine et des Caraïbes en reconnaissance d'un « travail remarquable, stimulant pour de futures contributions aux mathématiques ». Au cours de ma carrière, j'ai assumé différentes responsabilités scientifiques au Chili : Président du Conseil national des sciences de 2006 à 2008, responsable du programme de coopération franco-chilien ECOS-CONICYT, président du département d'ingénierie mathématique de l'université du Chili et directeur du Centre de modélisation mathématique. J’ai également été nommé « Chevalier de l'Ordre National du Mérite » pour mon travail pour stimuler la coopération scientifique avec la France en 2007.
Quels sont vos thèmes de recherche et vos travaux actuels ?
Je mène des recherches fondamentales et appliquées dans les domaines de la théorie ergodique et de la biologie des systèmes. En théorie ergodique, j'essaye de comprendre comment différentes mesures de la complexité des orbites d'un système dynamique impliquent des comportements dynamiques globaux tels que les propriétés de mélange, les propriétés de rigidité, la structure des groupes d'automorphismes, les propriétés spectrales, etc. D'un point de vue plus appliqué, je chercher à comprendre différents aspects de l'organisation des systèmes biologiques : savoir pourquoi une communauté de micro-organismes est organisée d'une certaine manière sous la pression de l'environnement, comment une telle structure implique des propriétés de l'environnement, etc. Les aspects de régulation génétique d'une communauté et de son métabolisme sont également importants. Aujourd’hui, mes principales applications concernent les données océaniques obtenues lors des expéditions océaniques de la Fondation TARA Océan.
Quels sont vos liens avec le CNRS ?
Ma formation de mathématicien est intimement liée au CNRS. Ma thèse a été réalisée dans une unité de mathématiques du CNRS et depuis, j'ai collaboré avec des chercheurs du CNRS dans de nombreuses régions de France : Marseille, Paris, Amiens, Rennes, Nantes, Nice, Dijon. De plus, 10 de mes doctorants ont fait leurs thèses en co-supervision avec des laboratoires dans des unités du CNRS. Enfin, une étape importante de ma carrière a été la direction du Centre de modélisation mathématique (CMM), la première Unité Mixte de Recherche créé par l’Institut National des Sciences Mathématiques et de leurs Interactions (CNRS). J’ai alors eu l'occasion de travailler à l'approfondissement des relations entre mon institution et le CNRS en lançant plusieurs programmes de collaboration.
Que représente cette nomination pour vous ?
C'est un grand honneur pour moi de recevoir cette distinction d'une institution du prestige et de la pertinence du CNRS dans le domaine scientifique. C'est l'occasion de travailler avec des mathématiciens et des biologistes pour développer une vision transdisciplinaire de la science.
Quelles sont vos attentes à l'égard de ce poste ?
J'espère que cette position me permettra de consolider certains programmes dans lesquels je suis impliqué depuis longtemps avec des collègues de laboratoires du CNRS : dans le domaine des systèmes dynamiques, j'aimerais concrétiser le programme visant à démêler les systèmes de faible complexité et, dans un domaine plus appliqué, j’aimerais utiliser les données uniques que nous avons générées avec la fondation TARA au Chili pour comprendre la relation entre l'environnement et le plancton dans les zones côtières, afin que la science contribue aux politiques publiques. De plus, il faut tirer parti de l'amélioration de la formation conjointe sur ces questions, qui nécessitent le développement de visions transdisciplinaires dans divers domaines de la science.