Interview de Francis Bach, conférencier invité à l’ICIAM 2023

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Tous les quatre ans, l'International Council for Industrial and Applied Mathematics organise le Congrès international de mathématiques industrielles et appliquées (ICIAM) dans le domaine des mathématiques appliquées. Francis Bach, chercheur en apprentissage statistique et directeur de recherche Inria au Département d'informatique de l'École normale supérieure (CNRS, ENS-PSL et Inria), interviendra lors de l’édition 2023 qui se déroulera du 20 au 25 août à Tokyo. Découvrez son interview.

© Inria / Photo G. Scagnelli

Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis chercheur Inria au Département d’Informatique de l’Ecole Normale Supérieure (ENS). Je dirige une équipe d’une vingtaine de personnes (équipe Sierra), commune entre Inria, le CNRS et l’ENS.

Quel est votre domaine de recherche ?

Nous travaillons principalement en apprentissage automatique (machine learning), avec un accent sur les algorithmes d’optimisation.  Ce domaine est au centre des avancées récentes en intelligence artificielle et a de nombreuses applications scientifiques, industrielles et dans la vie quotidienne. Notre cœur de travail est de proposer et d’analyser des algorithmes efficaces pour les problèmes de grande taille, typiques dans les applications de l’apprentissage.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire des mathématiques ? Y a-t-il eu des rencontres décisives dans votre carrière, ou bien des résultats qui ont profondément marqué votre relation aux mathématiques ?

Après mes études d’ingénieur, je ne me destinais pas à être chercheur.

Un jeu de backgammon offert par mon épouse m’a amené par hasard à lire un article de recherche montrant comment un algorithme qui a appris à jouer tout seul avait battu le champion du monde, une vingtaine d'année avant le go. J’ai alors entrepris de reproduire les résultats sur mon temps libre, ce que j’ai réussi partiellement en me faisant battre par mon algorithme.

C’est alors que j’ai décidé de partir en thèse en Californie sur les thématiques de l’apprentissage automatique, et de devenir chercheur en mathématiques et informatique.

Qu’aimez-vous dans le métier de mathématicien ? Comment le décririez-vous à quelqu’un d’extérieur à la recherche ?

Les montagnes russes émotionnelles quand on essaie de résoudre un problème. On peut passer de très bas à très haut en quelques minutes, quand on pense avoir trouvé la solution, puis souvent, elle était partielle ou fausse, donc on recommence… Ces phases de travail intense sont malheureusement plus rares au fur et à mesure que l’on prend des responsabilités éditoriales ou d'encadrement, mais elles n’en perdent ni intensité, ni plaisir.

Les journées d’un chercheur sont bien remplies, entre les cours à donner, les articles à écrire, la lecture des travaux les plus récents, l’apprentissage de nouveaux domaines mathématiques, l’encadrement des doctorants, les discussions au tableau avec les collègues et les étudiants, les colloques et congrès, l’animation scientifique locale et internationale, et ces moments plus solitaires où l’on cherche à résoudre un problème précis.

Savez-vous déjà de quoi vous allez parler à l'ICIAM en août ? Qu’est-ce que ce congrès représente pour vous ?

Je vais parler de travaux récents avec mon collègue Alessandro Rudi sur l’optimisation de polynômes par des méthodes d’optimisation dites par "sommes de carrés". Ces méthodes, introduites principalement par Jean-Bernard Lasserre et ses collègues il y a une vingtaine d'année, permettant d’optimiser exactement des polynômes de dimension plus grande que deux, en les plongeant dans des espaces de dimension croissante. Ces techniques ont notamment des applications en statistiques et en théorie du contrôle. Nous avons montré dans un cas particulier la convergence exponentielle en la dimension de l’espace de plongement.

Une conférence invitée est une reconnaissance pour notre équipe de recherche, mais aussi pour notre jeune discipline. Assister au congrès me permettra de découvrir d’autres champs des mathématiques, de quoi occuper de nombreuses journées de réflexion.