Vie de l'INSMI #1 - Christophe Delaunay, directeur adjoint scientifique de l'Insmi
Christophe Delaunay est directeur adjoint scientifique de l'Insmi, en charge des unités d'appui, bibliothèques, sociétés savantes et de la parité.
Il témoigne.
Vous êtes arrivé(e) à l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions assez récemment le 1er février 2023. Comment y avez-vous été amené et où en êtes-vous aujourd’hui dans votre prise de fonction ?
Christophe Besse m’a proposé de rejoindre l’Insmi à la suite du départ d’Emmanuel Royer qui devait arrêter ses fonctions. Le défi était d’envergure car Emmanuel avait réalisé un travail considérable, en particulier, mais pas seulement, pour les Assises des mathématiques qui constitue un épisode marquant pour la communauté. J’ai été très honoré de la proposition que j’ai acceptée volontiers en estimant que la mission s’inscrivait naturellement dans la continuité de la direction du laboratoire de mathématiques de Besançon que j’assumais jusqu’alors.
Dès mon arrivée, j’ai été frappé par la multitude des sujets à traiter quasi-simultanément. C’est à la fois très dense et très enthousiasmant par la richesse des différentes rencontres, des échanges et de la diversité des thèmes qui conduisent à une vue globale de l’organisation de la recherche en mathématiques au niveau national. Sur le plan personnel, l’accueil par les membres de l’Insmi en place a été très agréable et bienveillant, le soutien de l’équipe administrative est remarquable. Sur le plan technique, il y a eu beaucoup d’opérations à mener cependant une grande partie des dossiers est planifiée avec des échéances annuelles. Comme je suis arrivé en février, il me reste encore quelques mois avant d’avoir bouclé le premier tour et avoir une expérience concrète de l’ensemble de la fonction.
En quoi consiste vos missions de directeur scientifique adjoint ?
Les missions que j’ai reprises sont assez variées et complémentaires. Je suis en charge des questions de parité. Il s’agit d’un sujet prégnant pour la direction de l’Insmi avec celui de l’inclusivité en général. La situation en mathématique est très mauvaise, voire catastrophique dans certains domaines. Les prises de conscience et les actions spécifiques ne sont pas suffisantes. La communauté doit évoluer rapidement dans ses usages et mieux prendre en compte la diversité des carrières. L’Insmi doit y œuvrer et continuer à soutenir tous les engagements opportuns et les initiatives de sensibilisation envers les plus jeunes.
Je m’occupe également des réseaux Mathrice et du réseau national des bibliothèques de mathématiques (RNBM) au niveau de l’Insmi : l’informatique et la documentation sont essentiels pour les activités de recherche et de diffusion dans nos laboratoires. Ces métiers rencontrent des développements importants avec de nouveaux défis à franchir et des sollicitations de plus en plus importantes.
Je suis l’interlocuteur privilégié entre l’Insmi et les trois sociétés savantes : Société Française de Statistique(SFdS), Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles (SMAI) et Société mathématique de France (SMF). Ces associations indépendantes sont très importantes pour les mathématiques et dans leurs rôles pour la cohésion de la communauté.
J’ai en charge les six unités d’appui et de recherche (UAR) : la bibliothèque Jacques Hadamard (à Paris Saclay) qui joue un rôle national et a un poids important dans le RNBM, Gricad (à Grenoble) une structure de référence au niveau national d’infrastructure de calcul intensif et de données, AMIES (à Grenoble) qui promeut les interactions entre la communauté mathématique et les entreprises et la société, Mathdoc (à Grenoble) dont les deux principaux projets sont une bibliothèque numérique (Numdam) et un service complet d’édition en accès diamant (le Centre Mersenne) et enfin le CIRM (à Marseille) et l’IHP (à Paris), les deux centres de conférences célèbres au niveau international.
Enfin, Alessandra Sarti qui est en charge des UMR à l’Insmi ne peut pas l’être pourson propre laboratoire, il me revient de suivre son unité, le LMA à Poitiers.
Si chaque membre de l’équipe de direction a un périmètre d’action assez bien défini, les discussions restent très collégiales et de nombreux sujets se font en collaboration. Ce mode de fonctionnement est très satisfaisant car il permet d’avoir une vue d’ensemble dans nos prises de décisions et nos arbitrages qui restent collectifs.
Quel est le sujet qui vous anime le plus ?
Tous les sujets m’animent équitablement et nous sommes au service de l’ensemble des structures de l’Insmi. D’ailleurs, leurs missions ne sont pas cloisonnées et plusieurs projets s’organisent en cohérence. En reprenant les unités que j’ai évoquées, Mathdoc, Mathrice et le RNBM travaillent ensemble pour proposer à la communauté les services du « Portail M4TH », Mathrice utilisent les services de Gricad pour nous offrir les outils de la PLM qui nous sont si utiles, le CIRM et l’IHP coopèrent naturellement en particulier dans le cadre du labex Carmin avec aussi le CIMPA et l’IHES. Également, nous travaillons étroitement avec la SMF dans le cadre du CIRM car la SMF fait partie des trois partenaires de mixité de l’unité (avec aussi Aix-Marseille Université).
Néanmoins, je pourrais faire un focus particulier sur la science ouverte pour laquelle je suis très attaché. Il s’agit d’un sujet qui s’impose par des politiques (nationales, européennes et même internationales) très volontaristes. La communauté mathématique a traditionnellement, et de longue date, des pratiques exemplaires dans ce domaine mais nous ne devons pas nous laisser surprendre par les changements de paradigme qui vont s’imposer en matière de publication, d’évaluation scientifique, de conservation et de mise en disposition des données. Le Centre Mersenne qui fournit aux revues (plus seulement mathématiques) une plateforme complète d’édition en libre accès diamant (pas de frais, ni de publication, ni de consultation) offre à notre communauté mathématique une vitrine modèle très remarquée. Le CNRS, très dynamique sur le sujet avec un service dédié, la Direction des Données Ouvertes de la Recherche (DDOR), a reconnu le travail formidable du centre Mersenne en lui décernant cette année le prix du cristal collectif.
Quels sont les sujets qui vous attendent pour cette rentrée ?
Le sujet brulant est très certainement l’inauguration du nouveau bâtiment Perrin de l’IHP qui aura lieu fin septembre sous le haut patronage de la Présidence de la République. C’est l’aboutissement d’un projet pharaonique lancé par Cédric Villani et concrétisé par Sylvie Benzoni. Il s’agit non seulement d’améliorer les conditions d’accueil des chercheuses et des chercheurs du monde entier mais aussi et surtout d’ouvrir un musée, la Maison Poincaré, inédit et formidable consacré aux mathématiques et à leur applications.
Pour la première fois, l’Insmi lance à la rentrée un Appel à Action Parité à destination de ses UMR. Je suis très curieux de voir comment les comités parité vont s’en saisir et vont partager les idées et leurs expériences. Je pense que nous aurons un retour d’expérience complet de cette action à la fin du premier semestre 2024.
La question de l’archivage et de la conservation des documents numériques (en particulier les périodiques) est un chantier qui devient urgent et qui devra être lancé très rapidement et que l’Insmi devra accompagner.
Enfin, janvier 2024 verra la naissance d’une septième UAR pour l’Insmi : le centre AI for Science and Science for AI (AISSAI) qui aura la particularité d’être bi-rattaché avec l’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions (INS2I), l’institut du CNRS qui a en charge la recherche en informatique). Il s’agit d’un centre de conférence, hors les murs, dédié à l’intelligence artificielle en interaction avec toutes les disciplines scientifiques.